Le Conseil représentatif des associations noires de France (CRAN) a annoncé avoir assigné en justice Ernest-Antoine Seillière, ancien président du patronat français et du groupe Wendel, pour « crime contre l’Humanité et recel de crime contre l’Humanité ».
Atlantico : Quelles sont les différentes questions que ce type de requête soulève ?
Eric Deroo : Il est tout d’abord bien important de préciser les termes que l’on utilise, car il existe de manière récurrente une confusion entre « réparation », « repentance », « dette », entretenue par la classe politique et les médias et qui participe à la création d’une « vulgate » sans arrêt mise à contribution pour apaiser, répondre aux revendications de diverses catégories de populations… Pourtant, si le terme de « réparation » existe dans l’histoire – entre vainqueurs et vaincus, à l’image de l’article 231 du traité de Versailles en 1919 –, et trouve une certaine légitimité dans la réparation des biens perdus, détruits ou spoliés, il l’est moins dans le cas de la judiciarisation de l’histoire.
Depuis une vingtaine d’années, un mouvement en provenance des États-Unis porte un combat pour régler une « dette » qui serait consentie non pas d’un État à un autre, mais d’un État à un groupe de population.
Ce que tente de faire le CRAN, c’est le prolongement de ce combat en France.
Guylain Chevrier : Le CRAN n’en est pas à son coup d’essai ici. On se rappelle que lors d’une précédente commémoration de l’abolition de l‘esclavage et de la traite, cette association a demandé réparation au nom des intérêts des Noirs vivant dans notre pays à la Banque de France, exprimant que « C’est le travail des esclaves qui a permis de constituer la Banque de France et c’est la Banque de France qui a permis de constituer la France ». Il oubliait au passage que la traite et l’esclavage n’ont jamais représenté dans l’économie de la France un mode d’exploitation dominant. La France métropolitaine n’a jamais développé l’esclavage sur son sol en en faisant le fondement de son économie comme en un temps les États-Unis. Ce sont les centaines de milliers d’usines, avec une industrie qui a fait partie des plus importantes au monde, et les millions de leurs travailleurs, qui ont fait l’économie de la France pendant des générations, et façonnés ce grand pays développé qui est le nôtre. On ne saurait ainsi donner à une partie de notre population d’aujourd’hui selon telle ou telle couleur ou origine, le rôle principal, comme si en quelque sorte la France devrait lui être rendue, parce qu’elle lui appartiendrait, Elle est le fruit de toute une histoire où s’entremêlent la création des richesses par le travail, les guerres, l’exploitation sous toutes ses formes, dont l’esclavage ou encore le colonialisme n’ont été que des épisodes. Ce qui donne aussi une population riche de ses différences en quelque sorte, pour une société qui appartient à tous ses citoyens qui en ont la responsabilité en commun.
Cette exagération, qui est la profession de foi du CRAN, révèle assez bien le but poursuivi qui est toujours de même, se servir du passé pour diviser dans le présent, véritable fond de commerce de tout communautarisme.